La Crise Du Japon Essay, Research Paper
LA CRISE DU JAPON
Le Japon est aujourd’hui la deuxi?me puissance ?conomique du monde. Le revenu moyen par habitant y a progress? de 56% entre 1989 et 1996. L’archipel d?tient plus de 30% de l’?pargne mondiale et poss?de les plus importantes r?serves de devises du monde (environ 200 milliards de dollars). Enfin, il demeure le premier pays cr?diteur de la plan?te.
Mais s’il dispose encore aujourd’hui de solides atouts ?conomiques, le Japon est confront? depuis 1990 ? une crise qui va en s’aggravant d’ann?es en ann?es et qui pr?sente d’importants risques pour l’?conomie mondiale.
Pourquoi le Japon est-il en crise ? Quelles en sont les cons?quences nationales, r?gionales et internationales ? Comment y rem?dier ?
I D’abord financi?re, la crise du Japon s’est ensuite propag?e ? son ?conomie et contribue aujourd’hui ? la d?stabilisation de l’?conomie asiatique ainsi qu’? la fragilisation du syst?me financier international.
A – A l’origine: une grave crise du syst?me financier japonais
- Une lib?ralisation financi?re partielle et peu adapt?e ? la logique du syst?me initial.
Au cours des ann?es 80, le Japon n’?chappe pas ? la vague mondiale de d?r?glementation. Mais partiel et peu adapt? ? la logique et ? la coh?rence du syst?me initial, ce mouvement a en fait d?stabilis? et rendu moins efficient ce dernier.
- Durant cette p?riode, les banques japonaises ont pr?t? de mani?re inconsid?r?e.
Elles ont octroy? des cr?dits fond?s uniquement sur les garanties offertes par les emprunteurs (le plus souvent des biens immobiliers) et non sur la capacit? de ceux-ci ? d?gager des b?n?fices. La bourse et les prix de l’immobilier se sont envol?s, offrant des perspectives de plus-values et encourageant ainsi les entreprises et les particuliers ? s’endetter bien au-del? du raisonnable.
- Devant l’ampleur de cette double bulle sp?culative, la banque du Japon a d?cid? en 1990 de r?agir en relevant ses taux d’int?r?t de 2,5 ? 6% pour “ass?cher” le cr?dit.
En 4 ans (1986-1990), le Nikei a gagn? plus de 200% et la seule valeur de l’immobilier ? Tokyo et sa banlieue ?quivalait en 1990 ? celle du territoire des Etats Unis. Mais entre 1990 et 1992, la bourse perd les 2/3 de sa valeur, l’immobilier entre 60 et 80% et avec la chute du prix des terrains, la valeur des garanties bancaires diminue fortement, pla?ant ainsi les banques dans une situation tr?s d?licate. L’effet d’appauvrissement de la collectivit? nippone suite ? l’?clatement de cette bulle serait de 7000 milliards de dollars soit l’?quivalent de deux ann?es de PIB.
- Depuis le d?but des ann?es 90, les banques japonaises ont ainsi virtuellement perdu la totalit? de leurs fonds propres.
Devant la gravit? de la situation, le gouvernement a dans un premier temps fait preuve d’une ?tonnante passivit?, attendant une remont?e des cours de la bourse et des valeurs immobili?res. De nombreuses banques et institutions financi?res, parmi les plus importantes, ont fait faillite.
- Le d?clenchement r?cent de la crise asiatique n’a fait qu’accro?tre le montant des cr?ances douteuses des banques japonaises qui sont le premier cr?ancier de la r?gion.
Aujourd’hui, les mauvaises cr?ances des banques s’?l?veraient selon les estimations les plus fiables ? 1000 milliards de dollars.
B – Dans un second temps, la crise s’est propag?e ? l’ensemble de l’?conomie japonaise.
Longtemps les ?conomistes et le gouvernement ont cru que la crise ne serait que passag?re et se limiterait au secteur financier. Mais la conjonction de plusieurs facteurs l’a ?tendue ? l’ensemble de l’?conomie japonaise.
- L’importance de l’interm?diation bancaire dans le financement de l’?conomie japonaise.
L’encours des pr?ts bancaires au Japon repr?sente 109% du PIB tandis qu’il ne s’?l?ve qu’? 47% du PIB en France et 20% aux Etats Unis. La crise du syst?me bancaire et financier a eu pour effet de fortement restreindre le cr?dit aux entreprises (? credit crunch ?), provoquant ainsi la faillite de nombreuses entreprises d?j? surendett?es et atteintes par la chute du cours des actions et r?duisant les investissements productifs du reste de l’?conomie (-15,7% en 1997, -13,5% en 1998).
- Par ailleurs, la crise financi?re a provoqu? un retournement d’anticipations des agents ?conomiques.
Le moral des chefs d’entreprise a ?t? atteint (baisse de 45 points de l’indice Tankan de confiance des milieux d’affaire japonais en 1998) et une large majorit? de la population ne fait plus confiance en son gouvernement pour r?soudre la crise. La consommation des m?nages a ainsi r?guli?rement baiss? (-2% en 1998) au profit d’une ?pargne tr?s faiblement r?mun?r?e tandis que les entreprises ont r?duit leurs investissements, malgr? un taux d’int?r?t r?el inf?rieur ? 0,5%. L’exemple du Japon confirme s’il en ?tait besoin l’importance des anticipations et la difficult? ? agir sur un tel facteur psychologique.
- Enfin, l’appr?ciation du cours du yen face au dollar entre 1990 et 1995 (pass? de 138 yens ? 83 yens pour un dollar) a contribu? ? r?duire le niveau de l’activit? ?conomique.
La plupart des monnaies d’Asie du sud-est ?tant li?es par une parit? fixe au dollar, les entreprises japonaises ont ?t? incit?es ? d?localiser une part de leur production. Cette menace de d?sindustrialisation et de ch?mage contribua ? freiner la consommation.
Par ailleurs, l’appr?ciation du yen a pes? sur le niveau d’exportations et encourag? les importations, m?me si la balance commerciale du Japon demeure largement exc?dentaire.
C – La crise du Japon a contribu? au d?clenchement de la crise asiatique ainsi qu’? la fragilisation du syst?me financier international.
- Bien que de nature diff?rente, la crise asiatique peut s’expliquer en partie par la crise du Japon.
Suite ? une d?cision conjointe des Etats Unis et du Japon, les autorit?s mon?taires des deux pays ont laiss? le Yen se d?pr?cier fortement face au dollar entre 1995 et 1997. La Malaisie, la Tha?lande et l’Indon?sie ont ainsi vu leurs monnaies li?es au dollar s’appr?cier d’environ 50%. Leurs produits sont donc devenus relativement plus chers, provoquant le ralentissement de leurs exportations vers le Japon, leur premier client. Sur les march?s tiers, les biens nippons ont regagn? en comp?titivit? prix. L’?conomie de la Cor?e du sud, qui vend des produits concurrents de ceux du Japon (automobiles, composants ?lectroniques…), en a ?t? affect?e.
Par ailleurs, la faiblesse des taux d’int?r?t ? court terme des banques japonaises (0,5%) a encourag? l’apparition de bulles immobili?res et industrielles en Asie.
Aujourd’hui, la crise asiatique r?troagit n?gativement sur l’?conomie japonaise : la baisse de la demande locale et le gel des projets d’investissements directs affectent les exportations japonaises en Asie qui s’?levaient ? 42% des exportations nippones en 1996. Suite aux d?valuations, les produits sud-cor?ens concurrencent ? pr?sent les produits japonais. Enfin, les 124 milliards de dollars de cr?ances des banques japonaises en Asie (32% des pr?ts ?trangers) fragilisent encore plus le syst?me bancaire nippon.
- Certains sp?cialistes se demandent si le Japon ne participe pas directement de la formation d’une bulle boursi?re g?n?ralis?e.
Avec la mondialisation des flux financiers, les grands investisseurs internationaux peuvent aujourd’hui se financer o? ils le souhaitent. Nombre d’entre eux profiteraient des tr?s faibles taux d’int?r?t japonais pour emprunter en yens et replacer ensuite les fonds sur les places boursi?res mondiales. Le montant de ces op?rat
II L’inefficacit? des politiques de relance rend indispensables de profondes r?formes structurelles.
A – L’?chec des instruments traditionnels de la politique ?conomique : l’entr?e du Japon dans une spirale d?flationniste.
- Depuis 1992, les sept plans de relance mis en place par le gouvernement se sont av?r?s inefficaces.
Les diff?rents plans de relance se sont ?lev?s ? un montant total de 100000 milliards de yen, soit environ 4750 milliards de francs. Une politique de grands travaux a ?t? lanc?e. Le budget 1999 maintient l’orientation keyn?sienne avec un d?ficit budg?taire de 9,2% du PIB financ? ? 40% par l’emprunt. Mais la croissance n’a ?t? que de 0,8 % en moyenne sur la p?riode. Des baisses d’imp?ts ont ?t? accord?es mais, annonc?es par le gouvernement comme temporaires, elles n’ont eu que peu d’effets sur l’?conomie. Dans l’ensemble, ces diff?rentes mesures ont permis d’?viter ? l’?conomie de plonger et ont m?me produit un sursaut de croissance en 1996 (+3,6%), mais faute de relais par le secteur priv?, la conjoncture est retomb?e.
La dette publique est d?sormais sup?rieure ? 120% du PIB, mais le surplus d’?pargne colossal d?gag? par les acteurs priv?s permet de le financer sans trop de probl?mes pour l’instant.
- Ces mesures de relance budg?taire ont ?t? accompagn?es d’une diminution progressive des taux d’int?r?ts nominaux ? court terme.
Malgr? des taux proches de z?ro, le taux d’?pargne demeure largement sup?rieur au taux d’investissement. Cette inefficacit? des instruments mon?taires peut s’expliquer en partie par le fait que les taux r?els, du fait de la baisse des prix (non reconnue officiellement), seraient en r?alit? de 2 ? 3%. Comme les taux nominaux buttent sur le plancher z?ro, les marges de manœuvre sont inexistantes. L’?conomie japonaise serait en fait dans la zone de trappe ? liquidit?s.
- Le Japon est entr? dans une spirale d?flationniste.
En 1998, le PIB a diminu? d’au moins 2,5% et le ch?mage est officiellement d?sormais de 4,4%, ce qui signifie 2 ? 2,5 fois plus en r?alit?. Les grandes entreprises estiment ? 29% l’exc?s de main d’œuvre. Mais surtout, les salaires r?els baissent fortement et en un an les prix de gros ont chut? de 4,3%. Insuffisance de la demande, surcapacit?s de production, baisse des prix et du PIB, hausse du ch?mage : la politique budg?taire et mon?taire se montre incapable d’emp?cher le processus de destruction de richesses enclench?, malgr? une injection massive de liquidit?s depuis 1997. D’importantes r?formes structurelles financi?res, ?conomiques et politiques s’imposent au Japon pour sortir de la d?flation et afin d’adapter un syst?me d’emploi sp?cifique (emploi ? vie, r?mun?ration ? l’anciennet?) mis ? mal par les ?volutions r?centes (ch?mage, vieillissement de la population, d?localisations).
B – Vers un abandon du mod?le japonais
- Le syst?me financier doit ?tre r?form? en profondeur pour sauver les banques japonaises de la faillite.
Cette r?forme du syst?me financier vient d’?tre entreprise par le gouvernement japonais. L’action doit ?tre men?e simultan?ment ? deux niveaux : assainissement du secteur financier et d?r?glementation (? big bang ? financier).
En ce qui concerne l’assainissement, 60000 milliards de yen (2600 milliards de francs) viennent d’?tre d?bloqu?s par la di?te afin d’apurer le passif des ?tablissements d?faillants et renforcer les fonds propres des banques.
La contrepartie ? l’octroi de cette aide de l’Etat est l’exigence de mesures de restructuration contr?l?es par une autorit? ind?pendante nouvellement cr?e. Il s’agit l? d’une petite r?volution dans le syst?me japonais, d?j? remise en cause par les banques qui refusent d’accepter cet argent sans un assouplissement des restructurations exig?es.
L’objectif de cette r?forme est de renforcer l’obligation d’information et la transparence des march?s financiers, am?liorer l’utilisation des fonds publics, r?former les pratiques comptables et le r?gime fiscal, r?organiser les activit?s du MITI et renforcer le syst?me d’assurance des d?p?ts.
- Le pari du gouvernement n’est pas gagn?, d’autant qu’une r?forme de l’administration et du syst?me politique s’impose aussi.
Depuis 1955, le parti lib?ral d?mocrate s’est maintenu de fa?on quasi continue au pouvoir. Ce parti abandonnait en r?alit? la gestion de l’?conomie ? un groupe de hauts fonctionnaires politiquement irresponsables. Jeux d’influence, corruption, favoritisme et dirigisme pouss? ? l’extr?me ont pr?valu au d?triment d’une politique courageuse et responsable pr?te ? ajuster les priorit?s lorsque les circonstances l’exigent. La passivit? des autorit?s lors du d?but de la crise a ?t? l’illustration des dysfonctionnements de ce syst?me politique.
- Enfin, l’?conomie elle-m?me va devoir s’adapter aux exigences nouvelles de la mondialisation si elle souhaite r?cup?rer son potentiel de croissance ? long terme.
La gestion ? la japonaise, longtemps vant?e, correspond en fait ? cinq ou six secteurs performants de l’?conomie : ?lectronique grand public, composants, appareils photo, sid?rurgie, transports, machines-outils, soit 10% de l’activit?. Ils se sont d?velopp?s au d?triment des consommateurs japonais tandis que les autres secteurs, tourn?s vers le march? int?rieur, sont rest?s prot?g?s et inefficaces. Les industriels pr?levaient une taxe officieuse sur la consommation par laquelle ils subventionnaient les industries exportatrices et le d?veloppement industriel dit strat?gique. La strat?gie ?tait celle d’une croissance illimit?e (des moyens de production, de la taille des entreprises, des parts de march? …) et non une strat?gie de profits. Les conglom?rats japonais se sont d?sint?ress?s du rendement de leurs fonds propres : ceux de Mitsubishi ne sont que de 4% en moyenne alors qu’un rendement inf?rieur ? 15% est consid?r? comme m?diocre aux Etats Unis.
Ce syst?me a donn? naissance aux keiretsu ainsi qu’? des r?seaux de f?d?rations industrielles. La crise actuelle remet en cause ce mod?le japonais et semble rendre in?vitable, ? terme, une plus grande ouverture de l’?conomie japonaise aux capitaux ?trangers. Certains keiretsu commencent ? ?tre d?mantel?s et de grandes entreprises japonaises telles que Nissan n’ont d’autres moyens pour survivre que d’accepter de s’allier ? des concurrents ?trangers capables de leur fournir les fonds n?cessaires ? leur d?sendettement.
Le Japon traverse donc une crise sans pr?c?dents. Mais celle-ci doit cependant ?tre relativis?e : le tissu industriel national reste solide, une avance technologique demeure dans certains domaines et le revenu moyen par habitant d?passe de 30% celui des Etats Unis.
Bibliography
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- Dossier de presse de Sc. Po.